mardi 19 mai 2015

Réforme du collège: pourquoi ce rejet?

Avete, χαίρετε!

En ce 19 mai des enseignants sont descendus dans la rue pour dire NON à cette réforme.



DES enseignants et non LES enseignants. Certains, en effet, approuvent cette réforme et même s'ils la jugent imparfaite, ne voient aucune raison de s'y opposer. C'est bien évidemment leur droit. Nous sommes en démocratie (tiens! un mot d'origine grecque) et chacun a la liberté (tiens! un mot d'origine latine) d'exprimer son avis.

Si je fais aujourd'hui partie de ceux qui ont manifesté contre cette réforme c'est qu'elle ne correspond pas à mes attentes. Force est de constater que les discours d'enfumage ne nous ont pas été épargnés, que ce soit du ministère ou des ténors de l'opposition qui ont trouvé un nouvel os à ronger et qui s'indignent de "ce nivellement par le bas" qu'ils ont contribué à mettre en place quand ils étaient aux manettes. 

I] LE CONSTAT:

Chaque ministre de l'Éducation "Nationale" (du moins pour un an encore) veut être le ministre éponyme d'une réforme. C'est devenu chez lui une obsession. Et depuis plus de 30 ans les réformes se succèdent et la situation empire. J'y vois deux raisons majeures:
1. Ces ministres sont entourés de conseillers, les mêmes depuis des décennies, idéologues pédagogistes nuisibles qui font passer LEURS idées sans souci des catastrophes qui en découlent. Ce sont ces personnages-là qu'il faudrait déjà mettre d'office à la retraite.
2. Toutes les réformes sont faites en dépit du bon sens. Ainsi a-t-on commencé par le lycée, puis le primaire et maintenant  le collège ce qui est complètement stupide.

Aujourd'hui le collège se trouve dans une situation inquiétante: les résultats sont mauvais, les élèves s'ennuient, l'enseignement est "élitiste" donc HOP! Une réforme. Et quelle réforme !!! Voici les réponses qu'elle apporte et mes commentaires (en rouge):
  • Les élèves ne réussissent pas en français et en maths! ils auront moins d'heures en français et en maths!
    Voilà une mesure intelligente! Il faudrait au contraire renforcer ces enseignements afin de former convenablement les collégiens à la lecture, à l'écriture, à l'oral, au calcul. Quant à ce qu'on appelle pompeusement l'accompagnement c'est-à-dire le soutien, il faudrait qu'il se fasse en petits groupes, pas à 25 ou 30 élèves avec un horaire pris sur l'enseignement disciplinaire. Mais comme on manque de moyens ...
  • Les élèves s'ennuient!  Le travail proposé ne les intéresse pas ⟶ on va mettre en place des E.P.I. afin de croiser les disciplines, de donner sens aux apprentissages, que ce soit plus ludique, introduire le numérique...
    Les collégiens sont des adolescents - nous l'avons été - et ce n'est pas une période de la vie, sauf pour quelques exceptions, où l'on se sent toujours très concerné par le travail scolaire... Certains ne pensent donc qu'à s'amuser, d'autres affichent perpétuellement (du moins en classe) un air maussade et se montrent rétifs à tout effort. Et comme on leur en demande de moins en moins, ils veulent en faire de moins en moins!
    Nous n'avons pas attendu les brillantes idées des conseillers de la ministre pour pratiquer l'interdisciplinarité. Les langues anciennes - pour ne pas les citer - y sont tout particulièrement favorables.
    Donner du sens aux apprentissages! Là encore il n'est nul besoin de vouloir nous apprendre notre métier. Nous nous y employons quotidiennement.
    Pour ce qui est du numérique, les professeurs de langues anciennes l'ont introduit depuis longtemps dans leurs pratiques. Cela fait 15 ans que mes latinistes travaillent sur des programmes conçus par mes soins. Mais si le numérique est un outil, il n'est pas la panacée. Se ruiner à équiper tous les collégiens de tablettes est, selon moi, d'une stupidité affligeante.

  • L'enseignement est élitiste: le latin et le grec sont réservés à 20% des collégiens faisons semblant de les mettre à la portée de tous en s'y prenant de telle sorte qu'ils ne seront plus accessibles à personne! Voici l'E.P.I. Langues et Cultures de l'Antiquité!
    Si le latin et le grec ne sont choisis que par 20% des collégiens, ils sont en revanche proposés à tous du moins dans les établissements disposant d'un professeur de lettres classiques et dont le principal accepte de placer des heures de latin / grec sur sa DGH. S'ils ne sont plus choisis au lycée c'est qu'il est très difficile de trouver des lycées offrant ces enseignements.
    Qui le mettra en place? Des enseignants non formés au latin et au grec qui tâcheront, tant bien que mal, s'ils le veulent bien, de donner un "vernis antique" superficiel? Un vaste saupoudrage dont les élèves ne retiendront rien. On voit déjà ce que cela donne avec les fameux IDD qui demandent beaucoup de travail aux enseignants et dans lesquels les collégiens s'investissent, somme toute, assez peu.

 II] LES SOLUTIONS:

Bien sûr il en existe! Bien sûr il faut une réforme, mais pas celle-là. Que faire alors?

1. Recentrer l'enseignement dispensé au primaire sur les fondamentaux. Tout le monde en parle, personne ne le fait. Lecture, écriture, calcul. Les professeurs des écoles font ce qu'ils peuvent et ils ont bien du mérite avec des classes uniques à deux ou trois niveaux et des inspecteurs sur leur dos en permanence! Eux aussi s'épuisent à mettre en place des projets à la mode. Mais pendant que les élèves construisent des nichoirs pour les oiseaux ou apprennent à trier les déchets, ils ne lisent ni n'écrivent ni ne calculent. Ils arrivent en 6e sans bases solides, ils échouent au collège!

2. Revenir sur l'idée du collège unique: cela partait d'une bonne intention: donner le même enseignement à TOUS les élèves. Oui mais c'est oublier que tous les élèves n'ont pas les mêmes capacités intellectuelles, les mêmes facilités. Comme les classes sont hétérogènes avec de lourds effectifs, certains s'ennuient et trouvent que "cela ne va pas assez vite", d'autres sont perdus et vite démotivés. Enfin certains - il en existe - ne veulent RIEN faire. Le système de niveaux actuel serait à repenser. Les plus rapides pourraient suivre leur scolarité en 4 ans, les autres en 5.

3. Cesser ce nivellement par le bas! Depuis des années on part du principe que "tout est trop difficile" pour les collégiens. On leur en demande trop. La culture de l'effort est passée de mode. Pourtant les élèves d'aujourd'hui ne sont pas plus stupides que ceux d'il y a 20, 30 ou 40 ans. Et lorsqu'en classe on leur annonce: "Aujourd'hui nous allons voir quelque chose d'un peu compliqué" ils sont attentifs, ils veulent comprendre et relever les défis.

4. Ne pas supprimer ce qui fonctionne: Les classes bilingues fonctionnent, le latin et le grec sont en progression partout. Qu'on laisse étudier ceux qui le veulent et qu'on ne réforme pas au nom d'un égalitarisme aveugle.



Voilà! C'était un peu long, mais il y aurait encore tant à dire!

Valete, χαίρετε!




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